Ce monde n'est pas le nôtre (Aniu - Vitani (ouvert à tous))

Ses paupières se relevèrent doucement. Elle sentait quelque chose d'inhabituel dans le climat, il faisait de plus en plus chaud d'un seul coup. Mais ce n'était pas possible, elle se trouvait dans un endroit où les températures étaient plus douces il y avait à peine une dizaine de minutes, le temps de faire un petit sommeil réparateur! Et la revoilà dans un nouvel endroit, tout aussi inconnu que les précédents qu'elle avait visité.

Elle se réveilla bien comme il le fallait, s'étirant longuement. Elle avait quelques courbatures comme si elle avait dormit pendant plusieurs jours dans la même position. Les voyages faisaient ils également perdre la notion du temps? Tout ces voyages devaient avoir un impact sur la santé. Mais pourtant, elle ne se sentait pas si mal que ça. Même que la chaleur lui faisait du bien! Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas vue un soleil aussi radieux et chaleureux emplir son espace.

En marchant, Aniu marcha sur quelque chose qui lui brûla littéralement les coussinets. Elle se retira précipitamment, avec un petit hoquet de surprise et d'incrédulité. Elle avait marché sur quelque chose qui réfléchissait la lumière, avec des sortes de tranches de bois. Et cette étrange structure était très longue, elle n'en voyait même pas la fin! Mais qu'est ce que c'était au juste? Elle n'avait pas vue d'équivalent dans son ancien chez elle. Il fallait dire que cet endroit n'avait rien à voir avec son monde. Déjà, il faisait chaud, c'était incontestable. Puis tout était plat et de couleur vive, mis à part quelques petites montagnes et cailloux par ci par là. Ce n'était clairement pas son environnement, elle avait la terrible impression de faire tâche. En même temps, une louve blanche dans une sorte de semi-désert, il y avait de quoi se sentir de trop.

_Je me demande bien où est-ce que je me suis encore fourrée...

Vitani émergeait lentement du sommeil, savourant, les yeux fermés, les derniers instants de plénitude. Sentant le soleil sur son pelage, elle se demanda si elle s'était endormie en dehors du Rocher de la Fierté: dans la grotte, il faisait quand même assez frais, et d'après la chaleur qui l'englobait, ce n'était pas le zénith, mais peut-être le milieu de matinée.
Elle entrouvrit lentement les yeux, avant de les ouvrir d'un coup. Mais que faisait-elle là? Elle se rappelait soudain que la veille encore, elle était dans un monde étrange et froid, avec un chien-loup nommé Balto... Qui lui avait parlé de ces voyages entre les mondes! Elle était donc passée d'un monde à l'autre en dormant?
Vitani soupira. Où était Balto? Avait-il été transféré dans un autre monde, lui aussi, différent de celui dans lequel elle se trouvait actuellement, ou bien était-il resté dans l'autre monde? Cette fois-ci encore, elle se retrouvait seule. Sauf si... Peut-être qu'un habitant d'un autre monde avait-il lui aussi atterri dans cet endroit! Un peu rassurée par cette possibilité, elle déchanta vite. Balto était quelqu'un de bien, il l'avait aidée, mais si elle tombait sur un animal beaucoup plus féroce que lui?
Elle secoua la tête. De toute façon, que pouvait-elle faire, à part se tenir sur ses gardes? Rien.
Vitani se mit donc en marche, bien plus prudente que lors de son arrivée dans le précédent monde, celui où elle avait rencontré Balto. Elle sortit du couvert des arbres, découvrant avec stupeur une chose dure, très longue et peu épaisse posée par terre. Il y avait deux bandes gris foncé côte à côte, et entre les deux, des morceaux de bois très lisses posés à intervalles réguliers. Qu'est-ce que ça pouvait bien être? Soudain, en relevant la tête, elle aperçut une silhouette blanche un peu plus loin... En s'approchant prudemment, elle la distingua mieux et se fit la réflexion que cet animal ressemblait beaucoup à Balto, morphologiquement parlant... Un autre chien-loup?
"Quoi qu'il en soit, je dois rester prudente", songea-t-elle, marchant toujours lentement vers la créature.

La chaleur avait beau être revigorante, avec le temps, elle devenait de plus en plus oppressante! L'épaisse fourrure blanche d'Aniu était faite pour la réchauffer en cas de grand froid, pas pour la maintenir au frais en cas de grande chaleur! C'était le monde à l'envers! Il lui fallait très vite trouver un endroit où elle pourrait aller à l'ombre, où bien elle ne ferait pas quelques jours! Sans compter que comme elle l'avait remarquée à ses dépens, cet endroit était semi-désertique, mis à part cette étrange structure dont elle n'en savait toujours pas plus, mis à part qu'elle la brûlerait si jamais elle s'approchait.

Son regard balaya une nouvelle fois les étendues, pour se fixer sur une silhouette distincte non loin. Qu'est ce que cela pouvait bien être? La chaleur intense l'empêchait de se focaliser correctement. Mais même si elle n'était pas au meilleur de sa forme, se battre pour se défendre ne posait aucun problème. Pour le moment, la prudence était de mise. Aniu resta à observer attentivement ce nouvel arrivant. Son odorat l'avertit d'une odeur musquée et inhabituelle. Ce n'était pas une créature polaire en tout cas, aucune ne dégageait une odeur si forte. Elle était donc faite pour supporter la chaleur, contrairement à elle.

Ses griffes étaient bien visibles et aiguisées. Une combattante.

Même si tout cela ne semblait guère encourageant, comme à son habitude, la louve blanche gardait un calme parfait, et son légendaire visage impassible, sans émotion, que ce soit peur, pitié, courage, panique, rien. Elle n'avait pas peur.

Vitani approchait lentement de l'animal inconnu - une femelle, d'après l'odeur -, qui restait immobile et le visage impénétrable. En arrivant à quelques mètres, elle s'arrêta, ne sachant comment aborder la créature. Elle en profita pour l'examiner à loisir: une fourrure blanche, longue et épaisse - elle devait mourir de chaud!-, des yeux jaunes, et sa carrure ressemblait à celle de Balto, bien qu'il y eut quelques petites différences...
Elle resta donc immobile, mal à l'aise, se demandant pourquoi elle était venue jusqu'à cet animal. Peut-être par curiosité, et, influencée par la bonne impression qu'elle avait eu de Balto. Elle se rendait compte maintenant que c'était stupide. Et si l'immobilité de l'inconnue était une ruse, pour pouvoir ensuite l'attaquer? Mais maintenant, elle était juste à côté, c'était trop tard pour ces réflexions. Elle maudit son insouciance, elle resta sur ses gardes, attentive. Mais autant essayer de lui parler quand même, qui sait?
-Euh... Bonjour. Elle hésita, ne sachant que dire, puis elle s'enhardit quelque peu. Est-ce que tu viens d'un autre monde, toi aussi?
En repensant à la réaction qu'elle avait eu quand le chien-loup rencontré dans l'autre monde lui avait parlé des portails et des voyages entre les mondes, elle se dit que la situation avec basculé avec une étrange ironie; et que si cet animal vivait dans ce monde-ci - bien que cela lui semblait peu probable, car elle semblait peu adaptée à cet environnement -, elle allait vraiment passer pour une folle!

Perturbée par cette arrivée et rencontre pour le moins inattendue, Aniu resta pourtant de marbre. Elle fronça les sourcils en voyant de quelle manière cet être l'abordait. Sa méfiance n'était toujours pas redescendue, sa suspicion seulement baissa d'un cran. Mais elle se reprit un instant. Si l'autre était si confiante, elle n'avait pas forcément de raison de ne pas l'être à son tour.

_Bonjour à vous, créature... Je viens en effet d'un autre monde, je ne suis pas d'ici. Il me semble que cela se voit assez facilement, n'est-ce pas? Elle regarda son long pelage blanc, puis reporta ensuite son regard vers elle. Si vous me demandez ça, c'est parce que vous même ne venez pas d'ici, exact?

D'après ce qu'elle avait déjà pu voir pour le moment, ce genre de gros chat ne semblait pas le moins du monde souffrir du soleil ou de la chaleur. D'ailleurs, ce regard qu'elle avait, cette manière de se tenir... Bien étrange... Comme si elle n'était pas surprise de sa présence. Où alors cachait-elle son étonnement? Un peu comme Aniu le faisait elle même finalement...

_Dites moi, cela ne vous dérangerait-il pas que nous discutions à l'ombre si jamais nous en trouvons? Je crains de ne pas pouvoir tenir le coup à ce rythme là. Elle avait terriblement chaud.

La sorte de chien-loup fronça les sourcils, et Vitani se demanda si elle avait fait quelque chose de mal. Elle soupira intérieurement. Ça n'avait peut-être rien à voir avec ce qu'elle avait dit; elle devait cesser de se préoccuper autant de ce que l'animal pensait... Ce n'était pas Balto. Ils étaient peut-être de races proches, mais pas pareils pour autant.
La femelle lui confirma venir d'un autre monde, et déclara qu'elle présumait qu'il en était de même pour elle, puisqu'elle posait cette question.
-En effet, je viens d'autre part.
Puis l'inconnue demanda à aller à l'ombre, craignant de ne pas tenir longtemps sous cette chaleur. Vitani hocha la tête; elle se souvenait qu'elle-même se disait qu'elle mourrait si elle ne s'abritait pas rapidement, pendant la tempête de neige dans l'autre monde... Les situations étaient désormais inversées, avec cet animal à l'épaisse fourrure, trop pour rester longtemps au grand soleil, et elle qui supportait sans mal la chaleur de ce monde-ci, habituée au soleil qui tapait dans la savane africaine.
Elle se mit en marche, repartant vers les arbres d'où elle était venue, et en profita pour demander à la créature blanche si elle était de la même famille que les chiens-loups.
-Dites-moi... Elle choisit ses mots, restant prudente au cas où. On ne savait jamais, après tout! Je me demandais, de quelle race êtes-vous? Vous me rappelez un peu un animal rencontré dans un autre monde.
Elle attendit la réponse avec curiosité, tout en marchant d'un pas souple et rapide en direction des arbres.

Ainsi, elle venait d'autre part. Une nouvelle égarée de plus. De toute façon, une de plus ou de moins, ce n'est pas ça qui bouleverserait les choses! Aniu le savait bien. Tout était beaucoup plus complexe qu'on pouvait le croire. C'est avec cette réflexion dans sa tête qu'elle s'attela à suivre son interlocutrice vers quelques arbres lointains. Elle avait hâte d'y être, elle avait peur de ne plus pouvoir tenir très longtemps. Elle avait soif également, mais pas de quoi boire dans le coin. Pas grave, ce n'était pas non plus une urgence pour le moment. Elle pourrait bien s'hydrater plus tard. Ce qui restait urgent, c'était l'ombre!

La question de cette créature femelle la taraudait un peu. Un animal rencontré dans un autre monde? Et qui lui ressemblerait? Donc, un loup, ou ressemblant à un loup. Se pouvait-il qu'il s'agisse de Balto? Les chances étaient minces, mais elles existaient tout de même!

_Quelle race? Eh bien, puisque vous semblez disposée à avoir une conversation, je me dois de vous répondre. Je suis une louve arctique, je viens de terres très isolées et froides que les humains nomment "Alaska". Elle se tourne vers Vitani. Et vous alors? Qu'est ce que vous êtes? Et surtout... De qui parlez vous quand vous dites que je vous rappelle un animal?

Elle redoutait particulièrement la réponse à cette seconde question. Depuis qu'elle avait été séparée de son fils l'autre jour, elle n'était jamais tranquille. Son esprit était toujours dérangé par des visions de Balto dans toutes sortes de situations où il aurait besoin d'elle, alors qu'elle ne peut pas venir a son secours. C'était devenu insupportable. Avoir des nouvelles de lui serait plus qu'encourageant.

Vitani s'assit sous les arbres, profitant de la douce fraîcheur procurée par l'ombre pour entamer une discussion avec l'inconnue.
Quand celle-ci déclara être une louve arctique, Vitani put enfin savoir à quoi un loup ressemblait. En effet, elle voyait bien que Balto n'avait pas menti en disant être en partie loup, on ne pouvait nier les ressemblances morphologiques entre la louve et lui. Elle se demanda au passage si les chiens étaient très éloignés physiquement parlant de ceux-ci. Décidément, elle se découvrait beaucoup de curiosité envers ces espèces étrangères! Ce qui, au final, n'était pas si étonnant: jamais elle n'en avait ne serait-ce qu'entendu parler.
La lionne leva légèrement les sourcils à l'annonce du mot "humains". Une autre race qu'elle ne connaissait pas? Elle rangea cette question dans un coin de sa tête en se promettant de la poser dès que possible à la louve.
Cette dernière lui demanda à son tour ce qu'elle était, et voulut savoir de qui elle parlait quand Vitani lui disait lui rappeler quelqu'un. Il y avait comme une vague crainte derrière cette question, la lionne le sentait. Pourquoi? La louve connaissait-elle un autre loup qu'elle avait perdu au cours d'un voyage? Possible... Peu importait pour l'instant.
-Je suis une lionne, déclara Vitani avec une certaine forme de fierté. Les lions n'étaient-ils pas les seigneurs de la savane? Elle chassa cette idée en agitant l'oreille. Elle n'était pas chez elle, elle n'était rien. Rien qu'un animal perdu. Même sur la Terre des Lions, elle n'était qu'une chasseuse parmi tant d'autres - bien que chaque chasseuse aie son importance -, tout au plus la sœur du futur roi. Je me nomme Vitani. Et quant à l'animal dont je parlais, il a dit être "un chien, enfin, un loup, enfin, un peu des deux", termina-t-elle avec un sourire amusé. Je l'ai rencontré dans un autre monde; il disait s'appeler Balto.

Une fois la fraîcheur des arbres finalement atteinte, ce fut comme une délivrance pour la louve blanche. Même si c'était encore loin du froid intense du nord, cela faisait toujours du bien quelques degrés en moins. La lionne, comme elle s'était elle même présenté, ne semblait pas du tout en souffrir. Ce qu'elle l'enviait, là, tout de suite. Mais elle ferait moins la maline avec un si court pelage si ils se retrouveraient dans un univers de froid. Ce serait amusant qu'une faille surgisse là tout de suite, et les précipite par exemple sur le glacier de Nome. Mais il ne fallait pas rêver non plus, ça n'était pas sur commande.

Et puisqu'ils étaient là, autant en profiter, hein! Donc elle se nommait Vitani, et parlait d'un...chien...ou loup...un peu des deux... Que de mots clés qui firent palpiter le coeur d'Aniu. Et là, le mot magique qui l'acheva métaphoriquement parlant.

_Je l'ai rencontré dans un autre monde; il disait s'appeler Balto.

Enfin!! C'était inespéré!! Elle avait enfin des nouvelles de son fils!! Du calme, du calme... Enfin une personne capable de l'informer sur Balto! Reprends tes esprits ma vieille! Concentre toi, ne cède pas à l'émotion, garde ton calme, reste tranquille... Mais comment être de marbre face à une pareille nouvelle? Impossible.

La louve blanche s'avança donc tranquillement vers Vitani, et s'assied à côté d'elle, toujours à l'ombre. Elle la fixait d'un regard soulagé, comme pour dire inconsciemment "merci", et fit un hochement de tête approbateur.

_S'il vous plaît mademoiselle... Pensez vous pouvoir m'en apprendre plus sur ce cher Balto? Comment se porte-t-il? C'est une très vieille connaissance, je désespérais d'avoir des nouvelles de lui depuis les failles...

Vitani avait eu l'impression que la louve blanche buvait ses paroles, était suspendue à ses lèvres, tandis qu'elle parlait de Balto. Elle faillit s'esclaffer, avant de se reprendre. Ce n'était pas drôle. Si la louve avait bel et bien perdu quelqu'un qui lui était cher à cause de ces failles, il n'y avait pas de quoi rire. Après tout, elle avait bien vu que la famille de Balto lui manquait beaucoup, et elle-même était triste d'avoir été séparée de ses amies et de Kovu; alors, si cette louve espérait des nouvelles d'un proche...

Quand Vitani révéla le nom de Balto, la louve eut l'air profondément soulagée, bien que, ainsi que le remarqua la lionne, elle semblait tenter de dissimuler cette émotion. Pourquoi? Cette attitude rendait Vitani perplexe. Mais la louve vint s'asseoir près d'elle, la fixa d'un regard empli de soulagement, et hocha la tête comme pour la remercier.

Et puis elle lui demanda comment il se portait, car c'était une "très vieille connaissance". Vieille au point d'avoir tant envie de nouvelles d'elle? Bah, après tout...

-Eh bien, il va bien, mais il aimerait revoir sa famille, qui lui manque beaucoup... En tout cas, cela mis à part, la dernière fois que je l'ai vu, lui n'avait pas l'air d'avoir du mal à supporter la température: il faisait terriblement froid! Et le... "blizzard", comme il disait, ne l'affectait pas autant que moi.

Il va bien. C'est globalement tout ce qu'elle voulait savoir, ce qu'il y avait de plus important. Au moins une personne pouvait lui confirmer qu'il était au moins toujours en vie (ce qui était un grand soulagement, car mine de rien, on pouvait imaginer tout un tas de choses horribles pouvant lui arriver...) mais qui plus est, qu'il était toujours en forme. Comme à son habitude, c'était bon signe. Ensuite, il ne fallait pas qu'elle la croit sur parole, après tout, ils ne se connaissaient que depuis très peu de temps. Il fallait dire que la louve blanche était tellement enchantée d'avoir des informations qu'elle ne prenait auparavant même pas la peine de les vérifier. La suspicion, encore et toujours face aux inconnus...

_C'est normal qu'il supportait mieux le froid, Balto est un chien-loup endurant. Je suis sûr que ce blizzard devait être de la rigolade par rapport à celui que lui et moi avons vécus ensembles, il y a maintenant bien longtemps...

Ce fameux instant où Aniu réussie à faire accepter à Balto sont côté loup. Jamais elle ne l'oublierait. Justement, en reparler lui redonnait même le moral!

La louve blanche regarda l'horizon qui semblait vaciller sous l'effet de la chaleur. Cela lui faisait mal aux yeux, c'est pourquoi elle détourna rapidement le regard, et le porta sur Vitani. Son calme était déconcertant malgré la chaleur. Aniu réussissait bien à garder un semblant d'impassibilité, mais seulement avec de considérables efforts mentaux. Elle avait besoin d'eau maintenant. Elle se remit donc à regarder autour d'elle, mais en plissant les yeux cette fois.

Si ce qu'elle avait dit à la louve pouvait lui apporter du soulagement - voire même du réconfort -, elle pouvait être satisfaite de l'avoir fait. Au moins, elle avait peut-être aidé une personne dans les mondes...

_C'est normal qu'il supportait mieux le froid, Balto est un chien-loup endurant. Je suis sûre que ce blizzard devait être de la rigolade par rapport à celui que lui et moi avons vécu ensemble, il y a maintenant bien longtemps...

Vitani sentait comme une forme de fierté dans ces paroles. Mais pourquoi se sentirait-elle fière de Balto? S'était-elle simplement trompée sur ses perceptions de la louve blanche ou y avait-il une raison qui lui était inconnue pour qu'elle ressente cette sorte de superbe? Mais c'était surtout la deuxième phrase qui intriguait la lionne. Peut-être était fait exprès, peut-être était-ce voulu. La louve était sûrement rusée, déjà il suffisait de voir qu'elle semblait vouloir toujours cacher ses sentiments - Vitani avait bien vu, malgré les efforts de son interlocutrice, qu'elle était très soulagée d'avoir eu des nouvelles du chen-loup -, et la lionne avait la désagréable impression qu'elle cherchait à attiser sa curiosité exprès, comme pour pouvoir ensuite répondre à sa question comme si on lui accordait une faveur... Vitani savait bien qu'elle se faisait sans doute des idées, mais elle n'avait pas vraiment un caractère facile, et elle aussi était fière, elle se fichait bien de savoir de quoi la femelle parlait! Elle fit comme si le blizzard dont parlait la louve n'était qu'un détail mentionné vaguement au cours du récit d'une aventure, comme s'il n'avait aucune importance, et la lionne prit un ton neutre pour lui parler quand elle vit l'animal regarder autour d'elle, cherchant manifestement quelque chose du regard.

-Tu cherches quelque chose?

Son observation des alentours fut perturbée par la question tout à fait justifiée de Vitani. Toute façon, la lionne lui demandait juste ce qu'elle cherchait, du moment que ce n'était pas des questions plus impertinentes ou dérangeantes, il n'y avait aucun mal.

_Eh bien, je cherche tout simplement un lieu ou étancher ma soif... Mais je ne vois malheureusement rien, la chaleur est beaucoup trop forte pour une vue aussi sensible que la mienne. Pourriez vous me venir en aide une seconde fois? Vous pourrez peut être trouver de l'eau, vous.

Pourvu qu'elle ait vu juste. Aniu n'était pas depuis si longtemps dans ce monde, et déjà elle en avait marre. Vivement qu'ils partent. Un hurlement tonitruant rugit tout à coup, très aigu et assourdissant. Comme si ses yeux n'était pas suffisamment agressés, c'était maintenant au tour de son ouïe! Mais qu'est-ce qui pouvait être la cause de ce boucan?! La réponse était simple: un train. Passant dans ce désert, ne s'attardant nullement à rôtir ici. Une telle masse de métal lancée à cette allure et faisant autant de vacarme, on se demandait parfois ce que les humains avaient dans la tête pour créer de pareilles objets. Surtout qu'il n'y avait rien dans le coin, Aniu se demandait donc dans quelle direction ils allaient. Peut être vers de l'eau? Après tout, les humains en avaient bien besoin eux aussi.

La louve répondit qu'elle cherchait un point d'eau. En effet, avec une telle fourrure, elle devait vraiment avoir du mal à supporter cette chaleur, plutôt agréable aux yeux de Vitani - surtout après le blizzard dans le monde précédent...
Quand la femelle lui dit qu'elle pourrait peut-être l'aider, ce fut au tour de la lionne de se sentir fière. Si dans le monde d'avant elle se sentait déstabilisée, ici, elle était dans son élément, ou presque!

Elle se releva alors, cherchant un endroit où elles pourraient toutes deux se désaltérer - car même si elle supportait bien mieux la chaleur que la louve, elle aussi avait besoin de se réhydrater - quand soudain retentit un bruit tel que jamais Vitani n'en avait entendu, d'une incroyable puissance, assourdissant, et sous ses yeux ahuris passa une chose énorme, gris foncé, lancé à toute allure sur la longue bande de bois et de chose dure et brillante qu'elle avait vu peu de temps auparavant.

-Mais... mais qu'est-ce que c'était que ça?!?! s'exclama-t-elle, proprement stupéfaite, aussi raide que si on s'apprêtait à l'attaquer.

Passablement assourdie par le passage du train, la louve blanche entendit tout de même la question (tant bien que mal) et chercha un certain moment les mots justes pour expliquer. Elle ne connaissait pas les trains? Et ce n'était pas vraiment chose facile que d'expliquer avec précision ce que c'était.

_Hum... Les humains appellent ça des trains. C'est ce qui leur permet de... Euh... Se déplacer plus vite en quelque sorte. Comme ils sont toujours très lents quand ils marchent, eh bien ils inventent des choses sur lesquelles ils peuvent aller plus rapidement là où ils veulent. Elle se tourne vers Vitani, et fait une autre petite pause, cherchant ses mots. C'est comme si plutôt que vous longiez une rivière en marchant, vous la descendiez en montant sur quelque chose qui flotte, vous allez plus vite. Vous comprenez?

En théorie, Aniu avait été assez clair, au moins l'espérait-elle. Des locomotives, elle en avait déjà vue auparavant, même si elles sont rares en Alaska. Mais jamais d'aussi près, et ce n'était pas une expérience qu'elle voudrait recommencer de sitôt, ses pauvres oreilles bourdonnaient encore...

En tout cas, c'était une preuve que des humains étaient au bout de ce chemin de métal et de bois. Et là où il y a les humains, il y a de l'eau en abondance, c'est systématique. Tout ce qu'il leur fallait, c'était suivre les rails dans un sens ou dans l'autre, peu importe.

La louve attendit un petit moment avant de répondre à Vitani, lui expliquant que les hommes - encore ces hommes? Comment avaient-ils pu construire quelque chose d'aussi étrange? - appelaient ça des "trains", et que grâce à cela ils allaient plus vite, car selon les explications de la louve, ils allaient très lentement. Ils ne savaient donc pas courir? Étrange race que ces hommes, d'après ce qu'elle avait entendu.

-C'est comme si plutôt que vous longiez une rivière en marchant, vous la descendiez en montant sur quelque chose qui flotte, vous allez plus vite. Vous comprenez?

Vitani sourit; bien sûr qu'elle comprenait! Elle se souvenait très clairement de la rivière qui bordait les Terres Interdites, et où elle s'amusait parfois avec Kovu et Nuka - quand ce dernier n'était pas occupé à tenter d'impressionner leur mère - à sauter sur des troncs d'arbres, profitant de la vitesse du courant, puis revenant sur la berge. Ah, le temps chéri et malheureusement révolu de l'enfance! Enfin, chéri, pas tant que ça - les Terres Interdites n'étaient pas précisément l'endroit le plus propice à l'éducation de jeunes lionceaux. Mais au moins était-elle assez innocente - aussi innocente que la fille de Zira pouvait l'être, surtout élevée par elle - , sans responsabilité, pouvant jouer toute la journée ou presque.

La lionne leva les yeux au ciel. Une fois encore, elle s'était laissée emporter par ses souvenirs. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. D'habitude, elle savait se concentrer! Mais elle décida justement de poser la question qui lui trottait depuis un moment déjà dans la tête:

-A quoi ressemblent les humains? Ils semblent assez... (Vitani fronça le nez, n'aimant pas avouer qu'une espèce avait peut-être le dessus sur la sienne) puissants. Je n'avais jamais entendu parler de cette race.

Qu'elle ne connaisse pas les trains, passe encore, mais qu'elle n'ait jamais entendue parler des humains, c'était très peu probable. Même si ils n'y étaient pas adaptés, les hommes se risquaient dans le grand nord glacial, et la louve blanche ne connaissait pas de lieu plus hostile. Alors il n'y avait aucune raison qu'ils n'aillent pas dans le lieu où cette "lionne" habitait! A moins que dans son monde ils n'existaient tout simplement pas. Bizarre.

_Eh bien, les humains marchent sur deux pattes, et détestent qu'on leur tienne tête. Ils sont sournois, cruels, cupides, et j'en passe. Ce ne sont pas de bonnes fréquentations pour les êtres tels que vous et moi. Ils nous exploitent, nous, les loups. Certains de nos frères ont été, et sont encore toujours manipulés par les hommes, dont ils se servent pour accomplir leurs basses besognes. Ce sont les chiens. Balto en est un en partie.

Elle se tourne vers Vitani, un peu frustrée d'avoir abordé le sujet de la soumission des canidés à l'espèce humaine. Ce n'était pas quelque chose dont elle aimait débattre. Mais il fallait bien lui expliquer.

_Si jamais un humain essaie de t'approcher, ne le laisse pas faire. Il fera bien pire que tu tuer. Il te capturera pour le restant de tes jours... Elle s'approche de la lionne pas à pas. Tu serviras à les amuser, les distraire, tu souffriras le martyre, et ils rigoleront de ta misère!!

Elle avait fini sa truffe contre la sienne, lui faisant comprendre qu'elle était très sérieuse. Son regard était planté dans le sien, puis elle ferma les yeux et se détourna.

[Tu sais qu'Aniu ne m'a toujours pas dit son nom? Ca fait un peu répétitif de dire tout le temps "la louve" ou "la femelle"... x) ]

Vitani remarqua que son interlocutrice semblait surprise de savoir qu'elle n'avait jamais entendu parler des hommes. Pourtant, elle était absolument certaine de n'avoir jamais entendu parler d'eux avant sa rencontre avec la louve blanche. A moins qu'elle en ait entendu parler ou qu'elle en ait vu chez elle, et qu'elle et les siens les désignent d'un autre nom... En tout cas, la surprise de la louve prouvait à Vitani que les humains devaient être très présents dans son monde à elle.

Cependant, en entendant la description qu'en faisant la louve, elle put s'estimer heureuse de n'avoir jamais rencontré les humains - aucun animal de sa connaissance ne correspondait à ce que disait la femelle blanche, et tant mieux d'ailleurs - puisqu'ils étaient apparemment des êtres horribles. Mais dans ce cas, pourquoi personne ne faisait rien contre eux? Étaient-ils puissants au point que pas un seul animal n'osait se dresser contre eux? Ca faisait froid dans le dos!

-Ils nous exploitent, nous, les loups. Certains de nos frères ont été, et sont encore toujours manipulés par les hommes, dont ils se servent pour accomplir leurs basses besognes. Ce sont les chiens. Balto en est un en partie.

Là, Vitani était un peu perdue. Les loups étaient les "frères" des chiens?
Puis la louve s'approcha en lui disant de ne pas se laisser faire si elle se faisait approcher par un humain, car il la capturerait, et ce serait pire que la mort. A ce point-là? Eh bien...

-Tu serviras à les amuser, les distraire, tu souffriras le martyre, et ils rigoleront de ta misère!!

La lionne fut un peu surprise de la véhémence de l'autre femelle. On aurait dit qu'elle avait déjà enduré cela. Était-ce vrai? Décidément, avec tout ce qui se passait, Vitani aurait donné très cher pour rentrer chez elle sur le champ!
Les questions se bousculaient dans la tête de la lionne, elle ne savait même pas quoi répondre.

-Ils sont trop puissants pour que les animaux ne leur fassent quelque chose? fut-elle réduite à dire, à court de mots.

Pensive, la louve blanche scruta l'horizon, à la recherche d'une réponse miraculeuse. Elle pensait avoir été suffisamment claire sur la dangerosité des humains, ainsi que sur leur cruauté. Ce qu'elle en avait de la chance, de ne jamais les avoir rencontrés avant. Elle l'enviait sur ce point là. Car même sans les humains, Balto ne serait jamais partit, car il n'aurait jamais été tenté de devenir chien de traîneau. Et tout ça ne serait probablement jamais arrivé.

La seconde question était pertinente.

_Non. Nous ne pouvons rien faire contre eux. Ils ont la maîtrise des objets inanimés, ils peuvent en faire ce qu'ils veulent. Leur domination est sans égale. Comme leur inconscience et leur ingratitude. Même entre eux, les humains sont inégaux. Mais ils s'unissent malgré leurs différents, ce que la plupart d'entre nous, j'entends par là les loups, sommes incapables de le faire. Il y a bien eut quelques "rebéllions" mais elles se sont toutes finies dans le sang. Assez de rouge à été versé comme ça. Dorénavant, c'est chacun dans son coin, les hommes entre eux, et les animaux entre eux. Bien qu'ils n'obéissent jamais à cette règle, ils nous traquent sans cesse.

Elle se retourne une nouvelle fois vers Vitani.

_Lorsque l'un d'eux pénètre dans la forêt, il n'est jamais sûr d'en sortir vivant, nous y veillons. Tous les hommes sont coupables, où le seront un jour où l'autre. C'est ce que pensent certaines meutes, qui ne font jamais de quartier quand un humain solitaire s'avise de pénétrer leur territoire. Cruauté contre cruauté.

Elle avait déjà assisté à des scènes de voyageurs isolés se faisant attaquer par une meute bien organisée. Ce n'était pas rare, il y avait de la vengeance et de la rancoeur chez les loups. Mais c'était tout à fait justifié.

La louve déclara qu'ils ne pouvaient rien faire contres les humains, que leur domination n'avait d'égal que leur inconscience et leur ingratitude. Elle raconta ensuite que les loups se vengeaient de cela, et Vitani fut fortement ébranlée par ce qu'elle entendit.
Les loups tuaient le moindre humain pénétrant sur leur territoire. D'après la louve, tous les humains étaient coupables, ou bien ils finiraient par l'être. "Cruauté contre cruauté", avait-elle dit. Bien sûr, Vitani comprenait le point de vue des loups, ils étaient traqués, ils se défendaient. Mais elle ne le partageait pas: cela lui rappelait horriblement sa mère souhaitant à tout prix à venger Scar en tuant Simba parce que celui-ci avait lui-même tué son défunt compagnon. Mais peu importait ce qu'il lui faudrait sacrifier pour cela. La lionne se souvenait que Zira lui avait dit qu'elle mourrait en se ralliant à Simba. Alors, bravade pour tenter de la faire rester fidèle à sa mère ou interprétation fidèle de ses pensées? Au fond, peu importait.

En rendant leur cruauté aux hommes, les loups ne s'abaissaient-ils pas à leur niveau? Comment tous les humains pouvaient-ils être aussi mauvais? Cela l'étonnait fort qu'il n'y ait que du mal: partout où elle avait pu le voir, il y avait du bon comme du mauvais, les deux mélangés, mais jamais encore un unique concentré de noirceur totale.

-En massacrant les humains de cette manière, les loups ne se mettent-ils pas au niveau des hommes? Les animaux deviendraient des humains? Je l'admets: il ne faut pas rester sans rien faire. Il faut se défendre. Mais de là à réagir d'une telle manière, je ne sais pas... Bien sûr, n'ayant jamais été confrontée aux humains, je ne peux pas en juger aussi bien que ceux qui l'ont été. Cependant, il est vrai que si je me retrouve face à l'un d'eux, je ne prendrai pas de risques et partirai immédiatement.

La lionne songea à Balto. La louve avait dit qu'il était en partie chien, confirmant ainsi les dires du chien-loup. Vivait-il près des hommes? Elle aurait aimé avoir son avis sur la question. Mais elle ne le reverrait sans doute jamais...

Des paroles pleines de bon sens, Aniu devait bien le reconnaître. Son interlocutrice avait le mérite d'avoir un regard plus large sur la situation qu'elle, même si parallèlement, la lionne manquait d'informations sur ce débat. Vrai, les loups s'abaissaient au niveau de cruauté des humains en agissant de telle manière, mais la louve blanche pouvait très bien contrer cet argument en précisant que ce sont les hommes qui venaient les chercher dans leur territoire, et non pas l'inverse. Mais à quoi bon débattre. Au fond d'elle, Aniu était d'accord avec Vitani. Les loups ne devraient pas agir d'une telle manière. Mais voilà, les choses sont ainsi faites.

_Vous êtes réfléchie, c'est une bonne chose. Je comprends votre point de vue, et le suis sans hésiter. Plus d'un chef devrait écouter ce que vous dites, cela leur serait très utile. Mais comprenez que ça dur depuis des générations notre conflit avec les humains, et je dois vous avouer que malgré l'acharnement de mes frères loups, ils ne font que perdre du terrain dans ce conflit qui n'en est pas vraiment un en soit... Elle eut un petit ricanement ironique. Mais de là, à ressembler à ces bipèdes sans fourrure... Il y a plus qu'une montagne à franchir!! Je vois ce que vous pensez de moi. Vous vous dites "elle est cruelle, elle exagère, elle en fait trop"... Mais retrouvez vous dans une situation telle que la mienne, et vous m'en direz des nouvelles! Quelle serait votre réaction si les hommes vous arracheraient votre fils pour en faire un champ...

Elle s'arrêta à temps avant de faire une boulette. En disant autant d'informations sur son expérience passée avec les hommes, Aniu prenait le risque de griller sa couverture de louve blanche protectrice, mais anonyme. Personne ne devait savoir qu'elle était la mère de Balto, personne. Même pas cette lionne, qui avait même déjà eu affaire à lui. Si ils se revoyaient, elle pouvait tout à fait lui avouer la vérité.

Pas question. La louve blanche tenait à expliquer elle même à son fils. Mais pas encore. Pas encore.

_Je n'en ai que trop dit. Reprenons la route, et trouvons un point d'eau.

Légèrement frustrée, elle tenta de se changer les idées, et suivit la voie de chemin de fer dans un sens aléatoire. Qu'importe, puisqu'ils allaient bien aboutir quelque part.

Vitani fut légèrement prise au dépourvu par le compliment d'Aniu. Elle, réfléchie? Elle ne s'était jamais vue ainsi. Puis elle secoua mentalement la tête: inutile de se laisser attendrir par des compliments... Après tout, peut-être était-ce une ruse...
Avec tous ces changements de monde, ces nouvelles rencontres, Vitani se montrait finalement plutôt méfiante, et c'était sans doute le plus prudent, si jamais elle tombait sur des individus peu recommandables.

La louve poursuivit son explication, racontant que ce conflit - quel euphémisme, d'après la lionne, si on suivait ce que disait la louve blanche elle-même, par rapport à la cruauté des humains et à la violente riposte des loups! - durait depuis bien longtemps.
La haine mutuelle devait sans doute se renforcer au cours du temps, sans cesse alimentée par les actes des uns et des autres, ce qui n'arrangeait rien... Mais en même temps, que faire d'autre? Il fallait bien se défendre, Vitani devait bien l'avouer.
Chez elle, la guerre qui durait depuis un petit moment avec Simba - bien que beaucoup plus courte que celle entre loups et humains, manifestement - avait été résolue en parlant, mais c'était impossible dans la situation de la louve...

La lionne écoutait un peu distraitement les arguments de sa compagne, mais une de ses phrases la tira de ses songeries.

-...Mais retrouvez-vous dans une situation telle que la mienne, et vous m'en direz des nouvelles! Quelle serait votre réaction si les hommes vous arrachaient votre fils pour en faire un champ...

L'attention de Vitani fut brutalement ravivée.

-Quoi? Vous avez un fils?

La louve semblait avoir accidentellement laissé échapper la dernière phrase, ce qui ne gênait pas le moins du monde son interlocutrice, au contraire.
Finalement, elle commença à suivre le chemin de fer, non sans préciser qu'elle en avait déjà trop dit et qu'elles feraient mieux de trouver de quoi boire.
Vitani lui emboita le pas, sa curiosité exacerbée. Elle avait un fils, les hommes le lui avaient pris, selon ses paroles. Intéressant...
Elle ne voulait pas froisser la louve, mais elle se promit de réfléchir plus tard à ce qu'elle avait dit sans le faire exprès. Plus tard...

Consciente d'avoir été trop loin dans son explication, la louve blanche ignora la remarque de Vitani, la foudroyant du regard. Elle en avait d'hors et déjà trop dit, pas question qu'elle aille plus loin. La voilà maintenant qui regrettait de s'être engagé sur cette discussion. Il fallait qu'elle fasse plus attention à ce qu'elle disait maintenant. Dévoiler sa vie privée restait la dernière chose à faire. Aniu ne voulait pas parler de son fils, qui faisait partit d'une de ses rares faiblesses. Elle ne souhaitait pour rien au monde qu'on 'utilise contre elle... Jamais...

Une légère tension se fit sentir dans l'air. Elle s'en voulait elle-même, mais ne pouvait pas blâmer la lionne. Elle ne lui avait rien demandé, c'est elle qui en avait trop dit. Tout était de sa faute.

_Je n'en dirais pas plus. Fit-elle savoir d'un ton neutre. C'était suffisamment clair. Elle ne voulait pas revenir sur le sujet. En plus, il y avait d'autres préoccupations plus urgentes.

_S'il vous plaît, prenez la tête. Vous connaissez mieux cet environnement que moi, vous serez donc plus adaptée à nous guider. Surtout que je ne sais pas du tout par où je vais... Son impuissance était une source de frustration supplémentaire. Il fallait qu'elle se calme où elle risquerait de les mettre en danger en faisant une bavure. Ne manquerait plus que ça...

La louve la foudroya du regard, ce qui fit sourire Vitani au lieu de la faire se sentir gênée. Elle avait l'impression de retrouver son âme d'antan, quand elle était un jeune lionceau qui se moquait de son grand frère Nuka sans être nullement impressionnée... Avant de retourner à la réalité. Rester concentrée, se répétait-elle, au lieu de replonger dans ses souvenirs!
Sans doute s'y raccrochait-elle inconsciemment, comme si elle pensait que la nostalgie était le seul moyen de retrouver au plus vite le chemin de chez elle.
Et voilà, ça recommençait!

-Je n'en dirai pas plus.

Elle trancha ainsi, d'un ton ne laissant transparaître aucune émotion. Vitani était un peu déçue à cause de sa curiosité insatisfaite, mais ne chercha pas à insister. Quelque chose lui disait qu'elle ne lui aurait rien révélé de plus... Harceler la louve serait inutile.

Sans transition, Aniu lui demanda de prendre la tête, ce qui surprit quelque peu la jeune lionne: elle n'avait pas l'impression que c'était le genre de la louve blanche d'avouer qu'elle n'était pas en situation de force, ou du moins pas autant ou plus qu'un autre...
Vitani se sentit flattée, et décida de prouver à la louve que, malgré son expérience moindre, elle savait se débrouiller!

Elle se mit alors en devoir de trouver un endroit où boire, utilisant le seul atout qu'elle avait et que sa compagne n'avait pas, ainsi qu'Aniu l'avait, à contrecœur, fait remarquer: son monde d'origine avait un environnement pas si différent que celui-ci...

La louve blanche se laissa dépasser par Vitani pour la laisser prendre les devants. En espérant que ça allait la distraire, et qu'elle n'essaierait pas de revenir à l'attaque sur ses dernières paroles. Quand elle y repensait, ça la rendait malade. Il ne fallait pas qu'elle perde le contrôle de soi, où bien elle pourrait révéler des choses assez peu locaces et plaisantes.

Ils marchaient tous les deux depuis une dizaines de minutes sous ce soleil de plomb. Aniu se sentait pas loin de brûler. Il était temps qu'il trouve un point d'eau, elle ne pourrait pas tenir longtemps ce rythme. Mais ses sens lui révélèrent un changement dans l'atmosphère. Quelque chose approchait... Un nouveau train? Non, ce bruit était plus caractéristique. Mais elle n'en avait jamais entendu de semblable auparavant! Des créatures inconnues venaient à leur rencontre? Seulement, avec quelles intentions, là était la question...

Ses soupçons se confirmèrent après quelques minutes. Un épais nuage de poussière attira l'attention d'Aniu, puis un léger grondement progressif se fit ressentir dans le sol. En plissant les yeux, la louve distingua de larges quadrupèdes se diriger dans leur direction, avec sur leur dos...

Des humains!!

Ils avaient réussi à dresser d'autres créatures pour les asservir à leur influence? Leur pouvoir était décidémment sans limite! Un autre problème se posait à eux désormais. Les hommes et leurs montures accouraient vers eux, et comme ils n'appartenaient pas à ce monde, il ne fallait pas qu'on les voit!! Où bien ça risquerait de bouleverser l'équilibre des mondes! Il devait trouver un lieu où se cacher. Il fallait faire vite, ils se rapprochaient de plus en plus...

_Il nous faut fuir d'ici!! Ils sont beaucoup trop nombreux pour qu'on puisse se risquer à les affronter!!