Ce monde n'est pas le nôtre (Aniu - Vitani (ouvert à tous))

Elle prit tout son temps pour se désaltérer et repasser un coup d'eau sur sa blessure. Après tout, pourquoi se presser, ça ne servirait strictement à rien, elle avait tout le temps qu'elle voulait. Surtout que Vitani dormait maintenant, la voici donc redevenue seule, dumoins pour une soirée. La lune avait le mérite d'être bien éclairée ce soir, et le ciel dégagé. Souvent elle avait observée l'astre dans les paysages glacés de l'Alaska, mais jamais dans un autre lieu. C'était différent, l'éclat ne semblait pas le même... Comme quoi les différences ne se limitaient pas aux êtres vivants, que ce soit au niveau de leur apparence ou de leur comportement.

Tout en pensant à la lionne, Aniu regarda derrière elle pour la voir là, couchée à même le sol, somnolant après toutes ces émotions. Elle semblait si paisible... Mais au vu de son histoire, elle ne devait pas être une tendre pendant une certaine période. D'ailleurs, elles auraient toutes les deux très bien pu ne pas s'entendre, mais le destin, capricieuse créature, en a décidé autrement. Si seulement tout ça pouvait mener à un but final, un objectif à atteindre! Mais malheureusement, rien ne prédisait une fin à tous ces évènements. Vivre de cette manière, tous ne le supporteraient pas aussi bien qu'elles, Aniu en était consciente. Peut être même qu'elle se fera des ennemis, elle, une louve sans histoire, ne demandant qu'une existence paisible et sans soucis.

Ce petit moment de réflexion et d'introspection dura en fait plusieurs dizaines de minutes, pendant lesquelles la louve s'était enfermée dans une immobilité presque parfaite. Cela lui permettait de mieux se concentrer.

_Je dois aller me coucher maintenant... Demain sera un autre jour. Nous verrons bien ce que l'avenir nous réserve... Confia t-elle à la lune.

Tout d'un coup, un fort vent se leva, venu de nul part. Plus les secondes passaient, plus le vent gagnait en puissance! A croire que celui-ci n'était pas d'origine naturelle... Légèrement surprise, mais imaginant que leur chance de partir d'ici venait de leur être offerte, Aniu alla voir sa compagne de voyage, et la réveilla en la poussant doucement avec sa patte.

_Vitani... Une faille s'est ouverte...

Vitani dormait assez paisiblement. Pas d'un sommeil sans rêve, mais au moins était-il sans cauchemar...
En effet, elle faisait un rêve tout à fait innocent, comme un jeu de lionceaux. D'ailleurs, c'était un jeu: dans son songe, elle courait, sans savoir pourquoi, si c'était à cause d'une chasse ou d'autre chose; tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle se sentait bien. Tout souci, toute inquiétude avait disparu pour laisser place à une joie de vivre et une espièglerie innocentes - était-elle en train de jouer?

Elle aurait voulu ne jamais se réveiller de ce doux rêve, mais la réalité la rattrapa, sous la forme de petits coups de pattes sans brutalité de la part de la louve blanche. Émergeant des brumes du sommeil - bien qu'elle n'ait dormi que bien peu de temps, malheureusement - , elle eut un petit moment de flottement, avant de reconnaître Aniu, sa compagne d'infortune. Que se passait-il? Pourquoi la réveillait-elle maintenant, alors qu'elle n'avait sûrement pas dormi longtemps - en effet, la lune n'avait pas beaucoup bougé par rapport au moment où elle avait cédé à ce sommeil tentateur, qu'elle venait tout juste de quitter, bien à contrecœur - et qu'elle n'avait pas intégralement récupéré?

Mais les mots de l'autre femelle lui firent aussitôt retrouver sa lucidité: une faille, ouverte?!

-Comment ça, où ça? demanda-t-elle, inquiète en repensant à sa dernière expérience d'une faille, quand elle s'était trouvée aspirée, alors qu'elle essayait de réveiller Balto, dans cet autre monde blanc et glacé...
Tout en disant cela, elle sentit le vent qui soufflait, et qui semblait forcir de minute en minute. Son sang se glaça. Ce n'est pas normal. Ça ne peut pas être naturel.

-Que fait-on, maintenant?

Elle réfréna avec peine son envie de fuir à toutes pattes, ne se rappelant que trop bien son deuxième changement de monde, et la crainte de ce qui pouvait l'attendre derrière cette faille, tous les dangers possibles et imaginables.
Mais soudain une colère déraisonnée l'envahit. Peu importait ce qui risquait de se passer, elle surmonterait les défis qui lui seraient posés, et elle se battrait jusqu'au bout pour survivre! Elle reviendrait chez elle, tôt ou tard! Coûte que coûte...

Après avoir réveillée la lionne, Aniu regarda autour d'elle. Elle pouvait sentir le fort vent glisser sur son pelage, mais n'arrivait pas à déterminer d'où il venait. Mais il était plus qu'évident que cette force n'avait rien de naturelle, aucune condition n'était réunie dans ce désert. Tandis que les failles... Il en fallait peu. En fait, leur déclenchement restait un mystère, mais leur apparition entraînait toujours une perturbation dans l'atmosphère. Et la louve ressentait un profond malaise, comme souvent ça lui arrivait.

_Pour être honnête, je ne sais pas vraiment quoi faire...

Deux options s'offraient à elles: ou bien s'écarter des alentours pour éviter la faille et attendre qu'elle se referme d'elle même, ou bien se jeter dedans pour sortir de ce monde. Faire un choix s'avérait difficile, car tous les deux étaient lourds de conséquences. Si elles restaient, ça leur nuirait, car elles ne pourraient pas partir de cet univers avant qu'une prochaine faille se déclenche. Et si elles l'empruntaient, il n'y avait aucune garantie qu'elles restent ensembles. Il y avait des hauts et des bas, sauf que cette fois, une décision devait être obligatoirement prise.

Elle tourna sa tête vers Vitani, campant fermement sur ses positions pour éviter de se faire déséquilibrer par le fort vent, qui s'amplifiait de minutes en minutes. Elle avait une mine austère et résolue. Elle avait fait son choix.

_Je pense qu'on devrait s'engager dans cette faille... Du moins je pense que moi je vais le faire. Ce climat ne me convient pas, je ne suis pas adaptée, je ne pense pas tenir une journée de plus. Et on ne saura pas lorsqu'une prochaine faille apparaîtra... Je ne désire pas être piégée Vitani.

Quand la louve avoua ne pas savoir ce qu'elles allaient bien pouvoir faire, Vitani sentit un agacement injuste poindre en elle: Aniu aurait dû savoir! Elle avait plus d'expérience qu'elle dans les failles - et d'ailleurs, plus d'expérience tout court.
Mais c'était vrai que d'après ce qu'elle avait compris des informations glanées à propos de tous ces étranges phénomènes, ces failles étaient vraiment étranges et rares étaient les personnes qui savaient pourquoi ces failles étaient apparues et comment elles marchaient. Peut-être même n'en existait-il aucune...

Mais Aniu reprit la parole, et ce qu'elle déclara alors glaça la jeune lionne. Elle voulait traverser la faille. Elle ne savait pas du tout sur quoi elle pouvait tomber!
Mais en même temps, ses arguments se valent: dans ce monde, elle est une intruse, elle n'y est vraiment pas adaptée. Si elle part, il est bien possible qu'elle rencontre un endroit où elle serait mieux...
Et elle, Vitani, qu'allait-elle faire? Ce monde ne lui était pas particulièrement hostile, elle aurait pu y rester. Mais seule? Elle ne chassait pas vraiment bien, et il y avait cette menace des hommes, qu'elle connaissaient à peine. A la pensée de ces bipèdes, elle jeta des coups d'oeils furtifs par-dessus son épaule, comme s'ils allaient surgir d'un instant à l'autre.
Agacée, elle se força à se calmer. Il y avait bien peu de risques que les hommes parviennent à les trouver ici. Et ce n'était pas précisément le moment de s'inquiéter des humains...

Elle considéra la question de la faille d'un oeil critique, cherchant à avoir un avis extérieur, neutre.
En empruntant cette faille, peut-être, peut-être, retrouverait-elle son monde à elle! Les chances étaient minces, mais elles existaient. Et puis, de même, il était possible qu'Aniu et elle restent ensemble, et mieux valait être deux plutôt qu'une!

La lionne inspira un bon coup, puis planta ses yeux bleu sombre dans ceux de sa compagne de voyage, la tête haute et un air décidé sur le visage.

-J'ai décidé de partir aussi.

Un sourire franc et honnête se dessina sur le visage de la louve blanche. Elle n'en espérait pas moins de sa compagne de voyage, de sa réponse. Peut être ne se connaissaient-elles que depuis peu de temps, mais avec toutes les petites aventures qu'elles avaient subies et affrontées, ça ne pouvait pas s'oublier aussi facilement. Et si par un malheureux hasard il s'avérait que la louve et la lionne soient séparées, eh bien Aniu, pour sa part, ne risquerait pas de l'oublier. Elle était très redevable envers ceux qui lui venaient en aide, et avait été touchée par le récit de sa vie.

_Je m'attendais a une telle réponse de ta part Vitani.

Rassurée, la louve blanche se dirigea vers le fort vent surnaturel qu'elle avait sentie et qui l'avait effrayé dans un premier temps. Elle en était certaine, seule une faille pouvait générer une telle puissance dans un univers aussi atypique qu'un désert. Comme si on refusait de les laisser partir, le vent s'amplifiait grandement avec le temps, empêchant une progression correcte des deux femelles. Leur pelage était agité dans tous les sens, leur équilibre était perturbé, le sable les gênait, mais pourtant, elles avançaient inexorablement vers un futur meilleur, dans un autre monde que celui-ci.

_Courage Vitani! Nous allons y arriver!! Elle est toute proche, je le sens!! Dit-elle avec beaucoup d'espérance.

( je te laisse l'honneur de finir ^^ )

La louve blanche lui répondit avec un grand sourire qui réchauffa le coeur de Vitani qu'elle n'en attendait pas moins d'elle. Se pouvait-il qu'après si peu de temps passées ensemble, elles aient acquis une certaine confiance l'une vis-à-vis de l'autre? Pouvaient-elles être en quelque sorte devenues... amies?
Malgré leurs différents, et l'agacement que la lionne ressentait parfois à l'encontre d'Aniu, elle ne pouvait nier que les moments, les aventures qu'elles avaient partagé les avaient liées, contre leur gré ou non.

Toutes deux se tournèrent alors vers ce vent bien trop fort pour être naturel, prêtes et décidées à pénétrer dans la faille. Mais les éléments semblaient jouer contre elle: le vent devenait de plus en plus fort, sifflant violemment aux oreilles de Vitani, et elle avait de plus en plus de mal à avancer.
Les dents serrées, les muscles crispés, les griffes plantées dans la terre, persistant à mettre une patte devant l'autre, elle refusait de s'avouer vaincue. Après avoir été arrachée de force à son chez-elle, après avoir été malmené par les failles, voilà que l'une d'elle refusait de les laisser passer?! Eh bien, ça ne se passerait pas comme ça! La farouche détermination de la lionne grandit encore. Elle emprunterait cette fichue faille!

-Courage Vitani! Nous allons y arriver!! Elle est toute proche, je le sens!!

En effet, il lui semblait presque ressentir une sorte de... d'attraction? Oui, malgré le vent qui semblait vouloir la repousser aussi loin qu'il le pouvait, elle retrouvait la sensation qu'elle avait déjà ressentie une fois auparavant, quand elle avait été aspirée par une faille alors qu'elle se trouvait dans un monde glacé avec un chien-loup, Balto.

Encore deux pas de plus... Plus que quelques pas à faire... Elles y étaient presque...
Et soudain, c'était bon. Elle eut la brève impression que le vent avait cessé de souffler, et l'attraction qu'elle avait éprouvée, quant à elle, augmenta, et en une seconde tout disparut. Aniu et elle avaient été emportées par la faille.

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